// Un peu d'aventure...

Des retours du monde

Lettre à une jeune poète

Il est temps de t’écrire. On devrait toujours t’écrire. Mais on retarde le moment, comme on retarde la fin d’une lecture d’un Nicolas Bouvier. Quel plaisir de se dire que ce n’est pas fini, qu’il est encore temps de lire, d’écrire !

Je suis ton voyage à travers ton blog avec beaucoup de plaisir. En fait : trop. La première lecture, il y a quelques semaines, m’a pour ainsi dire ébranlé. Comme un condensé de ce que j’avais ressenti pendant mes six mois de voyage. J’étais parti loin d’ici voir cet ailleurs, et je retrouve cet ailleurs vu d’ici.Quelque part, mais ailleurs

Bien sûr, je t’envie. Mais j’envie plus que tout un moment que tu as du connaître déjà. J’envie cette phrase, ta phrase : “on verra bien”. A la liberté que j’avais, tu as ajouté l’inconnu, c’est-à-dire l’infini. Tu as une année, et c’est le temps qu’il faut pour laisser le temps de côté.

On verra, c’est sûr, mais nous autres les voyageurs, on verra bien. On verra parce qu’on y sera, parce qu’on aura abandonné les cartes postales, les Routard, les amours, mais pas les livres. Il y a aura toujours du Nicolas quelque part. Après l’Inde, oui tu verras bien.

On m’a beaucoup dit de “profiter” du voyage, mais ça ne m’a jamais beaucoup plu. Il y a dans ce mot de profit l’idée d’essorer, de rentabiliser quelque chose (mais quoi ?!), si possible vite et bien. Un voyage, c’est lent. C’est même le contraire du profit, périssable. C’est une richesse, une propriété qu’on se bâtit. En un mot : du vol. Voilà : vole tout ce que tu peux avant de revenir, toutes les images, les histoires, les dialogues et les fatigues. Prends-les tous sans trop demander, sans trop te demander si tu ne serais pas mieux ailleurs. Tu y es. Et bientôt, tu seras riche.

L'entrée de cet ailleurs

Et riche tu resteras. Ici comme ailleurs, riche parmi les pauvres. Avec ça, il faudra - le temps venu, et il viendra - “gérer” ton retour, comme on gère un bien, un héritage. Ou comme on négocie un prix en Inde. Tu essaies de t’en sortir, une feinte ou deux pour ne pas perdre pas la face, une blague pour oublier, mais au fond tu sais bien que tu te fais avoir. Qui a déjà acheté un retour simple ?

Alors il faudra faire avec ce qu’il reste : une sensation de Taj Mahal, des dialogues de Jaisalmer, la grande rue de Luang Prabang et un wagon russe surchauffé. Voilà ma richesse. La vie après ? Comme pour le bonheur, il faut se débrouiller, se bricoler quelque chose qui tienne. Pas facile. Un truc d’artisan. On imagine qu’on repartira, parce qu’il faut bien vivre. On s’imagine qu’on revivra. Toi, pour quelques temps encore, tu es artiste.

Discussion

Les commentaires sont désactivés pour ce billet.

  1. Qui a déjà acheté un retour simple ? Personne.

    Posté par HeyJo | 29 novembre, 2009, 15:14
  2. Les photos ont été prise où ? On aimerait bien savoir.

    Posté par céouça | 29 novembre, 2009, 15:18
  3. En Mongolie…

    Posté par Arthur | 6 décembre, 2009, 21:33
  4. photo: tibet? Chine du Nord? Nepal? Enfin par la ou pas du tout?!

    Posté par CESTLA? | 7 décembre, 2009, 15:18
  5. Presque : Mongolie…

    Posté par Arthur | 16 décembre, 2009, 1:48